Si j’ai choisi l’humour grinçant de Desproges pour aborder la chronique d’aujourd’hui, c’est parce que le sujet n’a rien d’amusant. Cela fait aujourd’hui plus de huit mois que je le porte en moi sans arriver à en parler sur ce coin de toile. Probablement parce qu’il m’a fallu tout ce temps pour enfin apprivoiser la nouvelle.
Dans notre société occidentale, l’idée de la mort fait peur. À tout le monde. C’est d’ailleurs ce qui rend le cancer si terrible. Dans la plupart des esprits, cette maladie est en effet très étroitement associée à la Grande Faucheuse. En être atteint, c’est se retrouver presque immédiatement face à face avec l’éventualité de notre propre trépas. Mais contrairement à cette association largement répandue, le cancer ne signifie pas nécessairement l’aller simple pour le cimetière, au contraire. La médecine, tant préventive que curative, évolue en permanence, et le cancer est de plus en plus souvent guérissable. Et c’est tant mieux.
Les trois cancers
Avec le temps qui passe, je réalise qu’il existe trois types de cancer. En général, on commence par être atteint du premier: celui qui est guérissable. Je n’ai pas regardé les statistiques, mais je pense qu’il gagne de plus en plus de terrain. Grâce au dépistage de plus en plus précoce et aux progrès continus de la médecine, de plus en plus de patients sont tirés d’affaire en quelques mois, voire quelques années. Et c’est tant mieux, en effet.
Mais cette guérison peut parfois s’avérer de courte durée. Après la chirurgie, les chimios, la radiothérapie et/ou l’immunothérapie, la période de rémission peut malheureusement connaître un fin brutale. Tous les patients qui sont passés par là connaissent les affres de la rémission: alors que leurs proches même les plus intimes les croient tirés d’affaire, eux gardent au fond d’eux-mêmes cette crainte diffuse qui refait surface à la veille de chaque nouvelle batterie d’examens de contrôle: celle d’entendre l’oncologue leur dire que le cancer est de retour. Au même endroit ou ailleurs. Si effectivement la malchance est de la partie, un nouveau parcours commence: celui de la récidive. Et si la malchance frappe encore, le patient se retrouve face à la perspective d’un cancer chronique: une saloperie qui repointe le bout de son nez à intervalles réguliers et qu’il faut chasser à coup de traitements jusqu’à la récidive suivante. Pas rassurant, mais mieux que l’alternative.
Le dernier mais pas le moindre
L’alternative, c’est le cancer mal embarqué. Certains disent incurable, mais j’ai un peu de mal avec l’expression. Dire qu’un cancer est incurable, c’est abandonner la partie avant que le dernier coup ne soit joué. Je reste persuadé que les mots ont leur importance, et qu’il ne faut pas jeter l’éponge, fût-ce en paroles. Pour tout te dire, chère lectrice, cher lecteur, même “mal embarqué” m’emmerde. Je suis de l’école qui pense que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Comme on dit aux Etats-Unis, “it ain’t over ’til the fat lady sings”.
Très touchant Fred. Merci.
Hasta la Victoria.