« Ah bon, t’es en chimio? Tiens, c’est marrant ça, t’as encore tes cheveux, pourtant. » Cette réflexion, je l’ai entendue plus d’une fois. Prononcée par des gens bien intentionnés, entendons-nous bien! Mais elle révèle bien à quel point le grand public en sait peu sur la chimiothérapie. Suivez le guide.

Soyons clairs d’entrée de jeu: je ne suis ni médecin, ni pharmacien, et je n’entends me substituer ni à l’un, ni à l’autre. Toutefois, j’ai une connaissance pratique de la chose, puisque je dois avoir vécu un peu plus de quarante séances de chimio depuis le début de ma maladie.

La chimio, c’est quoi?

Là, sur le coup, c’est fastoche. Le principe de base de la chimiothérapie, c’est de t’injecter ou de te faire ingérer un produit, ou un cocktail de produits. Parmi ces produits, les plus anciens ciblent un ou plusieurs processus utilisés par les cellules cancéreuses. De mémoire, il y a:

  • ceux qui visent à relancer le processus de vieillissement et de mort des cellules cancéreuses, qu’on appelle l’apoptose. Il faut savoir qu’une des caractéristiques des cellules cancéreuses est que leur ADN inhibe ce processus qui est présent à l’état naturel dans les autres cellules de l’organisme
  • ceux qui visent à inhiber la reproduction des cellules cancéreuses
  • ceux qui visent à freiner le processus par lequel les cellules cancéreuses parviennent à instruire l’organisme de construire des vaisseaux sanguins autour d’eux afin de leur apporter les nutriments dont elles ont besoin pour prospérer. Ce processus s’appelle l’angiogenèse.

Il doit encore y en avoir d’autres, je reviendrai compléter l’article avec les infos glanées chez mes amis médecins.

Parmi les produits plus récents, on a des produits plus « ciblés », qui visent par exemple à bloquer un récepteur particulier sur les cellules cancéreuses, ce qui inhibe leur fonctionnement et finit par causer leur mort.

D’accord, mais pourquoi ça rend malade?

En fait, la chimio te rend malade pour deux raisons.

D’une part, tous les processus que je t’ai décrits sont des processus naturels de notre corps. Les cellules cancéreuses ont juste développé une plus grande efficacité dans leur utilisation. Ce sont de vraies petits pirates, qui détournent à leur profit des processus naturels. Du coup, quand on inhibe ces processus, et bien l’organisme trinque lui aussi. Typiquement, l’inhibition de l’angiogenèse va par exemple faire qu’un patient cancéreux cicatrise moins vite, ou a plus facilement des « bleus » quand il se cogne. Les produits qui favorisent l’apoptose vont aussi accélérer la mort des cellules saines.

Le principe de base est: ces processus sont plus utilisés par les cellules cancéreuses, et donc l’inhiber les emmerde plus que les cellules normales. De plus, les cellules cancéreuses sont caractérisées par une plus grande fragilité. Elles prolifèrent rapidement, elles meurent moins vite de mort programmée, par contre elles sont plus fragiles que les cellules normales.

Donc, en fait, le principe de base de la chimio, si on veut l’expliquer avec cynisme est: ces produits ont un effet néfaste sur les cellules saines comme sur les cellules cancéreuses, mais les cellules cancéreuses morflent plus vite. Donc, quand on te fait une chimio, on fait le pari que le cancer mourra avant toi. Mais en attendant, ton organisme déguste.

La deuxième raison, c’est que ces produits ont des effets secondaires. En pharmacologie, on essaie d’éviter les effets secondaires autant que possible. Ou plus exactement, on prend la décision qu’un médicament sera quand même utile malgré les effets secondaires, si ceux-ci sont grosso modo moins graves que de laisser prospérer la maladie. En clair: la chimio te fout la gerbe? Globalement, c’est chiant, mais en fait c’est quand même mieux que mourir, non?

Et on peut avoir quoi comme effets secondaires?

Et bien là aussi, ça varie beaucoup selon deux grands critères:

  1. Les caractéristiques du produit lui-même
  2. Le métabolisme du patient

Tu as des produits qui ont un effet alopétiant, par exemple. C’est du langage de toubib pour dire « ça fait tomber les cheveux et les poils ». Ca, c’est la caractéristique du produit. C’est par exemple le cas d’un des produits de mon cocktail perso, Folfiri-Avastin. Pour la petite histoire, Folfiri-Avastin, c’est un raccourci pour dire ce qu’il y a dans le cocktail:

  • de l’acide folique (ça c’est le « fol »)
  • de l’irinotécan (c’est le iri)
  • du 5-fluoro-uracile (c’est le F au milieu)
  • de l’avastin (comme ça se prononce)

L’irinotécan, par exemple, est une véritable petite usine à effets secondaires.

L’irinotécan peut provoquer des nausées/vomissements, diarrhées aiguës ou tardives et des neutropénies. La molécule est alopécioante et peut entraîner un syndrome de type cholinergique cédant sous atropine. La diarrhée associée à l’irinotécan est sévère et cliniquement significative, entraînant parfois une déshydratation sévère nécessitant une hospitalisation ou une admission en unité de soins intensifs. 

Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Irinot%C3%A9can

En clair: l’irinotécan te fout la gerbe, te donne la chiasse, fait tomber tes cheveux, dézingue tes globules rouges, te fait suer et saliver et même parfois te donne des difficultés à respirer. Génial, le programme!

Mais l’irinotécan sur Fred, ben en gros c’est un peu de nausées, beaucoup de chiasse, pas trop de cheveux perdus et une grosse demi-heure de sudation en fin d’injection, rien sur les globules rouges.

Un « pattern » prévisible

Ce qui est marrant avec les effets secondaires, c’est qu’ils se manifestent selon un schéma identique à chaque fois. Du coup, après quelques séances, tu sais à quoi t’attendre pour les suivantes.

Dans mon cas, par exemple, ça donne ça:

  • Jour J (jour de l’injection): nausées faibles à modérées, grosse sudation au bout des 4 heures d’injection (pendant la dernière demi-heur), insomnie la nuit de J1 à J2
  • J2: nausées, crises de hoquets (genre 3 ou 4 heures hein), fatigue et faiblesses, mais modérées, un peu de diarrhée
  • J3: c’est le jour où on m’enlève ma pompe (j’ai une pompe qui m’injecte de l’acide folique pendant 48h). Deux heures après le retrait, énorme fatigue. Nausées modérées, diarrhée faible
  • J4: phase d’hibernation. Je suis incapable de faire quoi que ce soit. En gros, je dors toute la journée et toute la nuit.
  • J5 – J6 -J7: la fatigue diminue, les nausées sont modérées, la diarrhée augmente graduellement
  • A partir de J8 et jusque J13: vie plus ou moins normale
  • J14: retour à l’hôpital pour de nouvelles injections

Les paramètres varient toujours un peu, mais c’est plus ou moins le mêle schéma à chaque fois. Ajoute à ça une solide hypertension qui ne diminue pas pendant le traitement.

Et on fait quoi?

Je ne vais pas te mentir: pas grand chose. Disons que tu as une série de médocs qui peuvent atténuer les symptomes. Genre des antinauséeux de compétition (merci mon ami Litican), des corticoïdes le jour de l’injection, des antihypertenseurs, et de l’imodium (j’ai des actions chez eux). Et pour le reste, ben tu serres les dents et t’attends que ça passe.

Voilà voilà, j’espère que désormais tu en sais un peu plus.