Au moment d’écrire ces lignes, cette phrase extraite de la conférence de presse donnée par le ministre d’État Paul Vanden Boeynants après son rocambolesque enlèvement m’est revenue en mémoire. Pourquoi? Parce que parfois, face aux échecs des traitements, on se met à penser à la mort.
Bon, ne nous voilons pas la face, ce n’est pas le genre de la maison. La mort, on y pense dès l’annonce du premier diagnostic. Enfin, moi j’y ai pensé. Il faut dire aussi qu’avec mon cancer colorectal au stade IV et des chances de survie à 5 ans d’à peine 30%, c’est difficile de rester optimiste. Et quand je ne pensais pas à la mort, c’était la perspective des conséquences d’une chirurgie qui pouvait me contraindre, si la tumeur était trop mal placée, à vivre le reste de ma vie avec une iléostomie. « Y a de la joie, bonjour bonjour les hirondelles », comme disait le pédophile chantant. Je te rassure, ma soeur ou mon frère en cancer, ça ne dure pas. Tu finis par reprendre tes esprits, t’accrocher et te focaliser sur la survie. Comme j’ai l’habitude de dire quand on me demande si je tiens le coup: « de toute manière, y a pas vraiment d’autre choix hein: c’est m’accrocher ou bien m’asseoir et pleurer en attendant la mort. »
Changement de perspective
Le choix est toujours le même. Mais je t’avoue que j’y pense un peu plus, à la mort. C’est le triste privilège des êtres qui se savent condamnés, mais aussi de celles et ceux qui s’accrochent, de traitement infructueux en traitement infructueux. Tu l’auras compris, c’est mon cas. On ne va pas entrer dans les détails, mais en gros, la récidive frappe depuis un an, et les métastases ont décidé de s’accrocher de leurs petites pattes et de résister à la chimio qu’on leur balance sans pitié. Il y a deux mois, quand j’ai appris que le traitement de départ n’avait aucun effet, j’ai surtout flippé à l’idée de devenir un patient chronique. Aujourd’hui, j’ai appris que la deuxième ligne de traitement qu’on a tentée (avec des vrais sels de platine dedans, un délice pour les terminaisons nerveuses) ne semble guère avoir d’effets. Et là, changement de perspective. Ce n’est plus la chronicité qui m’inquiète, c’est plutôt de voir les traitements échouer les uns après les autres jusqu’à ce qu’on soit à court d’options.
Bon, en fait, on n’est jamais vraiment tout à fait à court d’options. Comme me disait mon oncologue, « au pire, il restera toujours les études cliniques ». Soyons clairs, quand on en est à ce stade, c’est que c’est la merde. Les études cliniques, quand il s’agit de tester de nouveaux médocs, on fait ça sur les patients qui ont de toute manière acheté leur aller simple pour la morgue. Si le nouveau médoc fonctionne, c’est top, ils sont sauvés. Et s’il ne fonctionne pas, ben de toute manière ils étaient censés y passer. Bref, les études cliniques, c’est pas le stade le plus réjouissant. Tu me diras, je n’en suis pas encore là.
OK, mais où tu veux en venir?
Je viens de me poser la même question. Je crois que ce que je voulais dire, aux malades comme aux proches, c’est que c’est normal. C’est logique, face à un flux continu de mauvaises nouvelles, de te dire que tu vas y rester. Ce serait du déni que de ne pas imaginer ne fût-ce qu’un moment que oui, la Faucheuse commence à aiguiser sa lame. Si ce genre de réflexion s’empare de toi, ne la combats pas, ça ne sert à rien. Accepte que c’est un sentiment normal, naturel, et que tu ne peux pas être un surhomme (ou une surfemme) H24, comme disent les millennials (pour les GenX comme moi, ça veut dire 24 heures sur 24, 7 jours sur 7). C’est normal, c’est humain, et puis, ça va passer.
À un moment, l’instinct de survie reprend la main. Tu recommences à espérer, à t’accrocher, à faire ce qu’il faut pour tenir, à espérer. Là, au moment où j’écris ces lignes, je n’y suis pas encore. Mais ça viendra, parce que la vie est belle. Et que savoir qu’on va mourir, que ce soit dans 6 mois ou dans 60 ans, nous ramène à la conscience de l’importance de profiter chaque jour de ce que la vie nous offre.
Des bises de ma petite montagne en France où tu es le bienvenu ❤️
La vie est belle, Fred, et tu as raison de nous le rappeler à la fin de ton texte saisissant de lucidité!
J’écris ce commentaire à chaud, parce que je n’ai pas envie de remettre ça à plus tard, c’est trop important et le reste peut bien attendre !
Alors le style, les tournures de phrase, le vocabulaire choisi… risquent de ne pas être parfaits mais qu’importe, mes mots viennent du cœur !
J’ai pour toi un amour profond, qui est certes un peu poussiéreux de n’avoir été que trop peu nourri pendant ces deux dernières décennies… mais l’amour reste intacte, pur et sincère!
Je sais que le langage de cœur à cœur peut se ressentir, peu importe la distance qui séparent les êtres et là où ils en sont dans leurs vies respectives.
Par ce canal d’amour, je t’envoie un milliard d’ondes positives, de mots tendres, de câlins…
Love you buddy !
Bonjour Fred,
La vie n est pas un long fleuve tranquille et pourtant la vie peut aussi être belle. Parfois derrière de méchants nuages se cache un beau soleil. Un soleil brillant, aux rayons de l amour et de l amitié qui annonce un nouveau printemps.
Ta force d esprit, ton courage et ta patience sont les meilleurs remèdes pour guérir. Il faut ajouter l amour de tous les gens qui t entourent. Je suis de tout cœur avec toi.
Ne baisse pas les bras.
Mes amitiés
Brigitte
Bonjour Fred… Je reviens vous lire après une longue absence. J’ ai reçu le mail suivant: « Un nouveau commentaire sur l’article « Tout n’est pas rose en octobre » attend votre approbation
https://hasta-la-victoria.be/leur-histoire/tout-nest-pas-rose-en-octobre/« . Et le lien m’a bien sûr amenée à votre site.
Je ne sais pas du tout si je dois faire quelque chose… (« attend votre approbation »). Mais je peux en tout cas remercier directement l’ auteur du commentaire.
Votre texte « Se battre, mais sans se tromper de combat », a trouvé écho dans chaque cellule de mon corps et de mon esprit. Je suis très touchée, émue, par ce que vous vivez, par vos mots… Certaines phrases de tiers, qui vous énervent parfois, sont celles-là même qui me font sortir de mes gonds, mais j’ essaie aussi de ne plus penser maladie à chaque heure du jour et de la nuit. En ce qui concerne le cancer, la mammo de contrôle de la 5è année (postposée de 6 mois à cause des urgences Covid) est rassurante et donc, de ce côté, je suis plutôt chanceuse.
Une autre « pathologie grave » a été diagnostiquée (présente depuis?…) en décembre 2018: sclérose en plaques. Depuis près de 2 ans, je me fais 3 injections par semaine. Très peu d’ effets secondaires, ouf! J’ ai peu de symptômes (fatigue +++, vertiges, perte de motricité fine, dépression aggravée) ou en tout cas ils ne sont pas visibles, ni constants. C’ est assez déroutant, et tellement incertain niveau évolution que je me suis mise à gamberger, à guetter les moindres maladresses dans mes gestes, ma démarche etc… Bref, tout cela m’a conduite à un mois de « repos » dans une clinique psychiâtrique, au mois de septembre. Mon traitement « psy » a été totalement revu, et cela nécessitait un environnement rassurant, où l’ on pouvait me suivre et m’ aider en cas de coup dur. Cela a été salutaire… je pense que ça a eu le même effet que les mots de votre amie médecin qui vous enjoignait d’ avoir une activité, un objectif. Bien sûr, j’ ai pu parler, me confier, mais j’ ai aussi réalisé combien j’ étais égocentrée et que j’ interprétais tout à l’ aune de la maladie.
Je n’ en suis pas encore au stade des objectifs… je lis que vous êtes très actif: blogs, roman etc… En revalidation dans un hôpital (kiné, ergo), j’ ai pu avoir accès à un atelier dessin, peinture etc…, et j’ ai mordu à l’ hameçon. J’ ai quelques tableaux à l’ acrylique, aquarelle, pastels, et je m’ exerce pas mal au dessin (j’ adore la perspective). Je n’ y vais plus pour le moment car conduire me pose problème mais je suis suffisamment accro pour continuer à travailler chez moi, même seule. Mon compagnon et mon fils m’ encouragent, et ce soutien est une béquille psychologique en acier!
Je parle de moi, parce que finalement on se connaît peu, et je ne voudrais pas lâcher un propos qui pourrait vous blesser ou vous agacer. Mais maintenant que j’ ai lu vos derniers textes, portés par votre belle plume, je viendrai de temps à autre vous faire un petit coucou, si vous le voulez bien. Je pense que ce n’ est pas un hasard si le mail que j’ ai reçu m’a ramenée à vous: j’ hésite à créer un blog (mon fils, 22 ans, me dit que ça ne se fait plus… ah, les adulescents!) où je pourrais mixer mes aventures professionnelles (peu banales), leurs conséquences sur ma santé, et les dessins/peintures que j’ ai réalisés. Je ne veux pas d’ Instagram ou autre site de ce genre. Voilà un bel objectif, qui se précise, et c’ est indirectement grâce à vous. Et je sais que la femme de mon filleul est d’ accord pour m’ aider (elle a son blog aussi).
Quelle bavarde je suis! Je vais mettre un terme à ce trop long message 😉 Vous êtes désormais solidement accroché à mes neurones (dans les zones cérébrales où je n’ ai pas de « plaques » …). Je viendrai jeter un coup d’ oeil sur votre site, pour avoir de vos nouvelles.
Empathiquement vôtre,
Nicole
Ouf moi je rentre en étude clinique et du coup ça me fait flipper de te lire … gloups
Des médecins m’ont depuis expliqué que ce n’était pas nécessairement aussi mauvais signe que ça. Courage, en tout cas!
Peurs contre peurs, tu échanges bien plus que des mots. Merci pour tout cela. Tes souhaits pour 2021 sont ceux que j’espère pour toi. K