Cet article intéressera les patients atteints du cancer qui sont en début de parcours et vont vivre leur(s) première(s) chimios, mais peut-être aussi certains plus expérimentés. Partage d’expérience.

Par la force des choses, je suis un peu devenu un vétéran de la chimio. Si je ne me trompe pas, j’ai eu le douteux plaisir de faire la connaissance de six ou sept thérapies différentes en presque cinq ans Ca dépend un peu peu comment on compte, mais c’est plus ou moins l’idée. Voici donc ce que je peux t’en dire pour que tu puisses te préparer au “choc”.

Une chimio, c’est quoi?

Avant d’entrer dans le vif du sujet, voici une petite explication sur ce qu’est une chimiothérapie. Je ne suis pas médecin ni pharmacien, donc je te restitue ce que j’ai appris “sur le tas”, ne va pas y voir un article scientifique. Mais donc, en gros, il s’agit de t’injecter (ou de te faire avaler) une ou plusieurs molécules, selon des modalités (quantité, durée, périodicité) qui varient en fonction du ou des produits.

Le principe de base de la chimio est le suivant: chaque molécule de chimiothérapie vise un processus cellulaire déterminé:

– certains retardent ou empêchent la division cellulaire (qui permet aux cellules de se reproduire et donc de se multiplier)

– d’autres contrent l’angiogenèse (la capacité des cellules à susciter la croissance de vaisseaux sanguins pour les alimenter en oxygène et en nutriments)

Effets “secondaires”: une conséquence logique

Il y a encore d’autres types de chimio (je crois), mais un truc important à comprendre, c’est la raison pour laquelle toutes les chimios ont des effets secondaires: les processus cellulaires visés chez les cellules cancéreuses sont identiques, à peu de choses près, à ceux qui ont lieu dans les cellules saines. C’est juste que comme, globalement, les cellules cancéreuses sont des cellules malades (disons plutôt malformées et incapables de remplir leur fonction d’origine), elles sont plus sensibles aux perturbations de leur métabolisme induites par les molécules de chimiothérapie.

En clair, donc, le pari de la chimio, c’est que tes cellules cancéreuses vont mourir plus vite que tes cellules saines.Toutes les cellules saines ne vont pas nécessairement être affectées, mais certaines vont être sensibles. Par exemple la perte de cheveux ou alopécie, qu’on associe souvent à la chimio (ce n’est pas tout le temps le cas) est dû au fait que beaucoup de molécules visent les cellules qui se divisent rapidement, car c’est ce que font les cellules cancéreuses. Et les cellules des cheveux (comme celles de la peau, d’ailleurs) font partie de ce groupe de cellules. Tu as aussi des chimiothérapies, qui provoquent de l’hypertension. C’est le cas, sauf erreur de ma part (encore une fois, je ne suis pas médecin) de toutes celles qui contiennent ce qu’on appelle un “inhibiteur de la protéine kinase”, c’est-à-dire une molécule qui cible certains mécanismes de la multiplication cellulaire. Beaucoup provoquent une diminution des globules rouges (anémie) ou des globules blancs (baisse d’immunité), qui sont aussi des cellules à croissance rapide. Après, parmi les “classiques”, tu as aussi les nausées et les vomissements, les vertiges, les irritations cutanées (les cellules de la peau sont aussi des cellules à croissance rapide), les crises d’acné (même topo)…

Petit conseil: ne lis pas ce qui est marqué sur la notice de ta chimio ou ce qu’en dit le fabricant sur son site. Leur rôle est de “couvrir leur cul” en décrivant tout ce qui peut t’arriver, mais justement c’est un “peut” et pas un “va”. Inutile de te rendre malade avant. De toute manière, tu sentiras bien ce qui se passe et ton oncologue est là aussi pour t’accompagner dans le processus.

Inégalité devant les effets

Donc, les effets secondaires sont inhérents au processus de chimiothérapie, et dépendent des mécanismes cellulaires visés. Mais nous ne sommes pas tous égaux devant ces effets. Un truc que tout le monde ressent, c’est de l’épuisement. La partie saine de ton organisme est aussi attaquée par ces produits, et le résultat, c’est que ton corps perd énormément de vitalité. Les médecins et les notices parlent beaucoup de “fatigue”, mais ce n’est pas de la fatigue: tu n’as juste pas d’énergie, et même si tu fais des nuits de douze heures, ça n’ira pas mieux (mais ça ira sans doute moins mal que si tu fais des nuits de 6 heures).

Pour le reste, ça va dépendre de ton âge, de ton état de santé (je veux dire hormis le cancer), de ta forme physique, de ta générique, de ton alimentation, de ton hygiène de vie, voire, me suis-je laissé dire, de l’âge du capitaine (mais ce n’est pas prouvé).

Régularité des effets secondaires

Par contre, un truc auquel tu peux faire confiance, c’est la régularité avec laquelle ces effets se produisent. En général, tu ne te les chopes pas tous en même temps, ils arrivent à différents moments selon le produit, le mode de traitement et tes propres caractéristiques. Je te donne un exemple: au tout début, j’avais droit à un protocole bien connu qu’on appelle FOLFIRINOX. Un délicieux cocktail intraveineux d’acide folique, d’irinotécan, d’oxaliplatine et de 5-fluoro-uracile (si si si). Le tout accompagné d’une petite injection de corticoïdes (pour t’aider à supporter le choc), et d’antiémétiques puissants (pour que tu ne gerbes pas en pleine salle de traitement). On m’injectait tout sauf le 5FU, et je repartais chez moi avec une petite pompe à vide qui m’injectait le produit pendant 48h. L’injection durait 4 à 5 heures (c’est des trucs qui frappent fort, donc si on t’en met trop en une fois tu le sens passer). Eh bien, les effets secondaires chez moi étant les suivants:

– à la fin de l’injection, des nausées et des vertiges

– quelques heures plus tard, une fringale géante (un jour, j’ai avalé deux pizzas calzone entières suite à cette fringale)

– le lendemain, le sentiment de ne pas être dans mon assiette, sans plus. Pas très faim non plus.

– 48h plus tard, juste après qu’on m’enlève la pompe, l’anéantissement total: je dormais quasi deux jours et deux nuits entières, incapable de faire quoi que ce soit)

– 96h plus tard, je sortais du cirage et il me fallait encore deux ou trois jours pour “récupérer”.

Et ça se reproduisait chaque fois de la même manière. Donc, au bout d’un moment, j’ai pu adapter un peu mon emploi du temps et mon horaire de travail (je suis indépendant, donc j’ai continué à bosser en dépit de la maladie) et mener une vie aussi normale que possible. Par exemple, j’ai choisi de programmer les chimios le jeudi, histoire d’avoir mes deux jours de KO le weekend. Après, les séances avaient lieu tous les 15 jours, donc j’avais en gros une semaine au ralenti et une semaine normale en alternance.

Pour tous les autres produits de chimio que j’ai eus depuis, ça a toujours été la même chose: après quelques séances, tu commences à comprendre quels effets les produits ont sur toi au fil du temps et tu peux donc prévoir dans quel état tu seras. 

Par exemple, en ce moment, je prends une chimiothérapie « per os » (donc des médicaments à prendre chez moi). Ce sont des cycles de 4 semaines: 3 semaines de prise du médicament et 1 semaine de « repos » où on laisse l’organisme souffler. Et bien en gros, les derniers jours de la troisième semaine et les premiers jours de la quatrième, j’ai horriblement mal aux pieds. Entre autres joyeusetés potentielles, cette chimio rend en effet la peau des pieds ultra sensible (genre j’attrape des cloques et des irritations). C’en est au point que je peux à peine marché. Ca me fait quelques jours de repos forcé sur le mois. Sinon, ça me donne aussi la voix de Salvatore Adamo certains jours. Ca, par contre, ça n’a rien de très grave, sauf quand je dois donner des formations.

Donc voilà, avec le temps et l’expérience, tu sais ce qui va t’arriver et comment t’organiser. Dans un sens, ça te fait une belle jambe. Mais bon, c’est mieux que de ne rien savoir du tout et de subir tout ça au hasard.